Poetry and Prose

 



Sabbat d'eau


Le samedi,
Alvaro marche dès l'aube.
Il écrit la saudade avec ses pieds.

Tant que le soleil est plus haut que lui,
Il traîne le long de la plage, sans jamais regarder vers le large,
Sauf les filets des poissons, qu'il aime appeler ses frères.
Il aime se brûler les yeux aux terrasses blanches
Il aime attendre.

Il attend de voir apparaître une certaine silhouette,
L'entendre tinter au loin
Cette femme si belle qu'elle fait peur
Aux reins luisants
Aux cheveux nocturnes
À la bouche carnivore,
Déboucheuse de flacons,
Lanceuse de soleils.
Lorsqu'elle bouge,
Le sang d'Alvaro vole dans ses veines.

Il aime attendre sur le port et lêcher sa plaie,
Une chanson aux lèvres
Et devenir aussi long et gris que la jetée.
Je crois qu'il aime bien mourir souvent.

Tant que dure le jour,
Il l'aime en eau et en désert,
Il l'aime tout droit et de travers
Il l'aime de ne pas l'atteindre.

La nuit, c'est pire.
La nuit convulsive,
La nuit de brasiers,
Où l'alcool flambe dans son ventre
Où il gratte sa barbe comme des cordes de guitare.
La nuit n'est qu'une chanson, qu'une forge de mots le portant au rouge.

La chanson dit
"Ai, que segredos tem"
Et elle le tue jusqu'à l'aube.
Mais les secrets, ils ne dit pas lesquels
Si même il s'en souvient.

"Azujelos sur ta peau nue
Font des soleils bleus au ciel en feu".

Cela, la chanson ne le dit pas,
Ce n'est qu'Alvaro
Qui divague,
Des enfants accrochés à ses mains.
De temps en temps, l'un d'eux se noie dans l'océan
Parce qu'il pense à autre chose.
Tout le village le sait,
Il y a des gens du port qui sont payés pour rester toute la journée dans l'eau
Pour observer Alvaro
Et recueillir ses enfants.
Le lendemain, il y a un tintement de plus
Vers les terrasses blanches.

Il se souvient qu'un jour,
Cette femme apparut, griffe rouge et noire sur la pierre blanche.
Il se souvient que lorsqu'il vit des gouttes couler le long de sa gorge
Il vola en éclat.
Sabbats d'eau en fissures bleues
Mirent le feu à son sommeil.
Les fées lurent,
Les ardents au soleil.

Il ne se rappelle de rien d'autre.

Un jour, Alvaro s'endort,
Un chapeau devant ses yeux.

Elle n'était pas sortie depuis longtemps
Sur la terrasse blanche,
Elle le contemple longuement.
Puis rentre dans l'ombre bleue
Fait tinter ses enfants
Avec un signe d'adieu.

Le chapeau est tombé,
Le soleil va se coucher,
Au dessus de lui, un avion dans le ciel,
File vers le Nord en tintant,
Et quelqu'un qui ne reviendra jamais,
Se promet de jeter les clés des Terrasses Blanches.

Il est l'heure,
Alavaro va rentrer chez lui,
Ne lui dites rien...

Ai, que segredos tem...

24-05-98

Pour Teresa Salgueiro, voix magique de Madredeus
"Est ce que ce sont les clés de votre coeur ?" (Lisbonne Story)

Stéphane Méliade



   

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